Méfiance grandissante dans les médias sociaux

Eurostat, l’organisme regroupant les instituts de la statistique des pays membres de l’Union européenne, vient de publier d’inquiétants résultats sur la confiance accordée par les Européens aux médias sociaux.

Force est de constater que les champions de la défiance sont les Français avec moins de 20% des sondés les considérant comme « fiables ». Toutefois, Allemagne, Royaume-Uni ou Espagne ne se montrent guère plus optimistes, avec des taux entre 20 et 30% : il n’y a guère que la Pologne où la confiance l’emporte.

Plus que les différences régionales, ce qui frappe, c’est leur évolution dans le temps : il y a quelques années, les médias sociaux – avec notamment les premiers blogs – apparaissaient comme les champions d’une nouvelle liberté de parole, un réel contrepouvoir aux médias établis.

C’était l’époque où Carlo Revelli et Joël de Rosnay fondaient Agoravox, le « média 100% citoyen et 100% participatif ». Aujourd’hui le site accueille de nombreux papiers révisionnistes et négationnistes, avec tout ce que cela peut présenter de nauséabond.

Depuis cette époque héroïque et particulièrement utopiste – le Web 2.0 allait nous aider à construire un monde meilleur – de nombreux agitateurs ont réalisé combien il était aisé d’influencer les foules en distillant de multiples contrevérités.

Le phénomène dépasse largement les frontières hexagonales : on connaît le rôle joué par les réseaux sociaux dans le cadre de l’élection présidentielle américaine, où il semble même désormais établi que des hackers russes aient pris une part active à la défaite de la candidate démocrate.

Lors du référendum de 2005 sur le traité de constitution européenne, l’analyse de la parole citoyenne sur les blogs et les forums avait très rapidement permis de comprendre que la victoire du « oui » n’était pas certaine, contrairement à ce que prédisaient la majorité des sondages.

Aujourd’hui que ces mêmes sondages se révèlent à la peine – Brexit, élection de Donald Trump –, les médias sociaux ne permettent pas d’affiner notre vision de la société ; bien au contraire, ils la perturbent – du moins, à les lire au premier degré, sans décoder rumeurs et manipulations.

En matière de consommation, où les enjeux demeurent plus modestes, il est aisé de croiser déclaratif et comportemental pour mieux cerner acheteurs et utilisateurs. Dans le cadre des études politiques, où la pression temporelle joue un rôle très important, les boussoles vont certainement s’affoler dans les mois qui viennent.

Quoi qu’il en soit, les évolutions récentes des médias sociaux constituent une nouvelle réalité à prendre en compte : tout comme on ne saurait se contenter d’une lecture au premier degré des déclarations des gens que l’on interroge, pareillement il convient de cerner, derrière la majorité des avis postés, les stratégies d’influence plus ou moins malveillantes.

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