Il y a quelques semaines, j’entendais un ami enseignant se plaindre auprès de ses collègues : « Je ne sais pas comment réagir avec ces étudiants, ils prétendent engager la discussion sans respecter mon statut d’enseignant : ils voudraient pouvoir discuter avec moi quasiment sur un plan d’égalité, c’est inacceptable ».
Inacceptable … mais inéluctable !
C’est désormais la règle avec ces étudiants, coincés entre une Génération Y – à la fois prête à remettre en cause l’autorité de leurs enseignants et de leurs employeurs, mais tout aussi prompte à accepter les modèles existants quand ils peuvent les tourner à leur avantage, de manière très opportuniste – et une Génération Z montante, dont on a encore bien du mal à envisager ce qu’elle sera ou pourra être, mais qui s’annonce non plus rebelle, mais simplement « en dehors des clous ».
Résultat, notre enseignant navigue à vue entre des élèves soumis à une hiérarchie dont ils respectent encore les formes pour mieux la contourner et d’autres, qui nient toute forme de hiérarchie parce que cette notion-même échappe à leur entendement. Et de se raccrocher à des signes obsolescents (= certains acceptent encore leur supériorité sans fondamentalement la respecter) par facilité plutôt que de chercher à discerner les signaux faibles (= leur pouvoir se fragilise chaque jour un peu plus, signe avant coureur d’une nouvelle société).
Et il est bien là, le dilemme des enseignants, mais également des managers actuels, face à des bouleversements sociétaux aussi rapides que violents : ils tentent chaque jour de se convaincre que le système (pour ne pas dire le moule) au sein duquel ils ont été formés et se sont ensuite épanouis ; que ce système hiérarchique fonctionne toujours … et que la rébellion de certains n’est que l’exception qui confirme la règle.
Alors que cette exception, au lieu de constituer un cas isolé, préfigure ce que sera demain : une société non pas égalitaire (ce qui signifierait que l’idée d’une quelconque supériorité ou autorité des uns sur les autres puisse avoir encore un sens, et que l’on puisse la combattre) mais une société totalement plate (parce que telles notions de supériorité ou d’autorité ne sauraient avoir de sens pour des individus nés avec le Web social).
Tout devient relatif, toute certitude disparaît : inutile de se lamenter, c’est « comme ça » ; mieux vaut s’y adapter pour affronter les challenges à venir.