Bataille de marques dans le monde des jeux

L’industrie du jeu est tout sauf un monde de Bisounours, preuve en est la récente bataille entre marques qui opposait devant la Cour de justice de l’Union européenne, le britannique Seven Towers, détenteur des droits de propriété intellectuelle du Rubik’s Cube, à l’allemand Simba Toys : au cœur de l’offensive, le dépôt par le premier, non pas de la marque Rubik’s Cube – ça, c’est fait depuis longtemps – mais de la forme du Rubik’s Cube comme marque de l’Union.

Après avoir échoué en première instance à faire annuler ce dépôt, Simba Toys a obtenu gain de cause en appel.

Je vous épargnerai tous les attendus du jugement, que seuls les juristes seraient capables d’apprécier à leur juste valeur, pour poser la question de l’étendue du champ des marques : en quoi la forme carrée d’un puzzle en 3 dimensions constitue-t-elle une marque ?

Renault en son temps n’aurait-il pas pu déposer la forme particulière de son Espace, ou Apple, celle de son nouveau téléphone à écran tactile ? Uniquement pour empêcher de potentiels concurrents de s’implanter sur le marché.

D’un point de vue marketing, une marque constitue un signe sémiotique : elle désigne un produit – ou une série de produits, ou leur fabricant ; en ce sens, Rubik’s Cube renvoie à un casse-tête bien particulier de forme cubique, et Renault, à un constructeur automobile.

C’est ce que Georges Péninou dans Intelligence de la publicité qualifiait de fonction référentielle, Roland Barthes parlant de signe purement dénotatif, un peu comme le mot « colombe » évoque un oiseau particulier.

Mais la colombe, c’est bien plus qu’un oiseau : c’est aussi la paix ; les mots, les signes sémiotiques peuvent se charger de bien d’autres valeurs et enrichir ainsi le langage : Barthes parle alors de message connotatif.

La marque n’échappe pas à cette analyse : Renault, BMW ou Ferrari évoquent bien autre chose que de simples voitures, et Apple, des ordinateurs ou des téléphones mobiles : toutes ces marques se chargent de valeurs, tant objectives que subjectives, qui nous les font préférer à d’autres.

Si pour un juriste, le conflit opposant Rubik’s Cube à Simba Toys peut apparaître passionnant – les enjeux financiers derrière ce procès ne sont évidemment pas négligeables, puisqu’il s’agit de bloquer son marché à de nouveaux entrants – pour un marketer, il est incompréhensible : au mieux, la forme carrée du Rubik’s Cube ne serait jamais qu’un signe basique, purement dénotatif et vaguement tautologique… jamais une marque riche de connotations.

A moins de rayer le terme de Rubik’s Cube, de transformer l’image tridimensionnelle du produit en un logo purement iconique comme celui de Nike : mais ce n’était évidemment pas là le but de la démarche de Seven Towers.

 

 

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