Yahoo, la fin d’un Géant Entretien avec Catherine Reichert

Catherine, tu quittes Yahoo après 5 années comme Directrice de la Communication pour l’Europe du sud : Yahoo fut une des marques emblématiques de la Nouvelle Économie et reste aujourd’hui encore une marque presque mythique… Malgré tout, Yahoo a connu ces dernières années une incroyable descente aux enfers : pourquoi ?

Yahoo est effectivement une marque iconique. Elle est et restera l’un des pionniers du web ! Créée au milieu des années 90 par David Filo et Jerry Yang, Yahoo est venue proposer un annuaire pour trouver, classer et organiser ses recherches dans un web florissant qui voyait se créer des milliers de sites, au grand dam des internautes qui ne s’y retrouvaient pas. Très vite, en se diversifiant (moteur de recherche, messagerie, forums, news, shopping en ligne, offres classifiées…), Yahoo est devenue un portail. C’est l’ADN de la marque. En parallèle, d’autres acteurs – Amazon, AOL, eBay et Google principalement – se sont développés avec une approche plus mono-produit. Dès les années 2000, certains d’entre eux prennent l’ascendance sur Yahoo qui va vivre alors une période délicate. Principalement, la marque n’a pas su coller à l’évolution des usages, notamment sur le mobile. Suivent des années de flottement où Yahoo oscille, en fonction de ses différents dirigeants, entre un positionnement de média et d’entreprise tech. C’est la situation que trouve Marissa Mayer à son arrivée en juillet 2012. Malgré tous les efforts et les initiatives prises sous son impulsion, essentiellement pour remettre l’entreprise dans la course technologique, Yahoo ne réussit pas à revenir dans la cour des grands. Pourquoi cet échec ? Les raisons en sont multiples et très complexes. Parmi celles-ci, j’en citerais deux : un positionnement insuffisamment clair pour les utilisateurs. Yahoo n’a pas réussi à s’imposer dans l’esprit des internautes pour un usage simple et unique, à l’instar de Google pour la recherche ou Facebook pour les réseaux sociaux (alors qu’ils sont bien plus que ça !). Avec pour résultat que bon nombre de personnes avaient une idée très floue de l’offre produit de Yahoo. La société n’a pas su non plus innover de façon suffisamment différenciante, lancer une « killing app » qui aurait pu à la fois redorer son blason et rallier de nouveaux utilisateurs, surtout parmi les plus jeunes.

 
Aujourd’hui, tout va très vite, même parfois un peu trop : après la chute de divers acteurs de la première génération du Net (Yahoo, mais aussi Netscape, AOL, etc.), peut-on penser que ceux de la seconde génération, les fameux GAFA, peuvent devoir affronter prochainement semblables défis ?

S’il y a bien une leçon à retenir de l’expérience de Yahoo, c’est que rien n’est jamais acquis ! Vous pouvez être le maître du monde aujourd’hui et dépassé le surlendemain par un nouvel entrant plus agile et plus innovant. Ceci est d’autant plus vrai dans un monde où Internet et le développement des technologies accélèrent les cycles de vie, la diversité et le nombre de produits qui viennent répondre aux besoins plus matures et exigeants des consommateurs. Les innovations technologiques permettent des choses impensables il n’y a ne serait-ce que 10 ans ! Pour rester dans la course, il ne suffit pas d’être à la page, il faut savoir garder un temps d’avance et anticiper l’évolution des usages et des attentes des utilisateurs. On parle aujourd’hui d’Ubérisation de la société. On voit déjà ce que des acteurs comme Uber, Airbnb, Blablacar apportent comme changements dans les modèles d’organisation mais aussi sociologiques. Cela peut justement remettre en cause la prédominance des GAFA. On parle d’ailleurs aujourd’hui des NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, et Uber) comme les nouveaux maîtres du monde.

 
Après le Web, le Web social, puis l’économie collaborative, où vont se situer les grands enjeux des années à venir ?

Sans aucun doute, des changements inimaginables nous attendent. On assiste, d’une part, à une mutation profonde de nos sociétés avec l’arrivée de l’économie de partage qui ne valorise plus la possession comme une finalité. Et d’autre part, les avancées technologiques que sont l’Internet des objets, l’intelligence artificielle ou encore la réalité virtuelle, nous font vivre une véritable révolution – la troisième selon certains après celles de l’imprimerie et de la révolution industrielle. Nous sommes sans aucune doute à l’aune d’un nouveau monde, digne des romans de science-fiction. Et dont nous serons les témoins. C’est, à mon sens, une chance incroyable ! Cela pose beaucoup de questions et d’inquiétudes aussi – à l’image de ce qu’ont ressenti nos aïeux à l’arrivée des premiers trains ! – mais il faut rester optimiste. Si le progrès et la technologie n’ont pas que des avantages, on ne peut nier ce qu’ils ont apporté à notre quotidien. On vit mieux et plus longtemps. Le progrès sert un monde meilleur. C’est comme ça, je pense, qu’il faut regarder l’avenir.

 

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