“Les études marketing ne servent à rien.” Tel est le leitmotiv qui revient très régulièrement dans la presse spécialisée, avec toujours les mêmes et sempiternels exemples à savoir Henry Ford expliquant que s’il avait demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils auraient répondu : « Des chevaux plus rapides ».
Et bien sûr le désintérêt ouvertement exprimé des consommateurs dans les années 80 pour un téléphone permettant de converser dans la rue ; sans oublier de citer Steve Jobs et le succès planétaire de l’iPhone !
Et c’est vrai : les études se révèlent inopérantes dans le cas d’innovations de rupture, il convient de le reconnaître : comment amener les gens à se prononcer sur des situations qui leur apparaissent totalement improbables ?
Mais les innovations de ruptures se comptent sur les doigts de la main comme le souligne Wikipédia, même si on note une tendance certaine à l’accélération ; si de nombreuses entreprises courent après la « Killing application » – l’invention géniale qui révolutionnera leur marché et « tuera » tous leurs concurrents –, force est de reconnaître que l’activité courante se situe plus dans le champ de l’incrémental ou de la simple amélioration.
Et là, il convient de s’adapter aux attentes des consommateurs : Nokia en a fait les frais dans les années 2000, en refusant de lancer un téléphone à clapet – les fameux « clamshell » – et se faisant détrôner par Samsung ; rebelote quelques années plus tard, quand la firme finlandaise refuse d’écouter des clients séduits par l’écran tactile de l’iPhone.
Dans les années 90, le styliste Philippe Starck crée pour Thomson une superbe télécommande en forme de cône – objet devenu culte encore en vente sur ebay ; bien évidemment personne n’ose suggérer de tester l’ergonomie du produit.
Les premiers utilisateurs se plaignent rapidement : cette nouvelle télécommande ne fonctionne pas ! Starck avait juste oublié que très naturellement les téléspectateurs pointent la commande vers le téléviseur pour changer de chaine … or la sienne fonctionnait verticalement – il fallait la tenir comme un cône de crème glacée –, ce qui n’était vraiment pas intuitif !
« 76% des lancements de nouveaux produits échouent lors de leur première année », selon Nielsen ; dans bien des cas, les études marketing auraient permis d’éviter l’échec : car le succès dépend tant de la compétence des équipes de R&D que de l’adéquation du produit final aux attentes des clients potentiels… et d’un bonne collaborations entre techniciens et marketers.
Dernière remarque, on ne se méfiera jamais assez du storytelling : quand Ford entre chez Edison au début des années 1890, l’aventure automobile a déjà commencé depuis deux décennies… et pas sûr qu’on lui ait alors commandé « des chevaux plus rapides ».