De nombreuses marques s’incarnent dans la personnalité emblématique de leur fondateur – parfois d’un collaborateur quasi mythique : ainsi le cordonnier Kihachiro Onitsuka personnifie-t-il encore Asics qu’il a fondée pour redonner un idéal sportif à la jeunesse japonaise à la sortie de la 2nde guerre mondiale tandis que le basketteur américain Chuck Taylor évoque-t-il toujours aujourd’hui Converse.
La communication façonne cette personnification, affinant certains détails … voire inventant de toutes pièces certains épisodes : Chuck Taylor fut certainement un bon sportif mais pas de si haut niveau que l’équipementier le prétend ! De tels mythes se construisent dans la durée, par petites touches, on appelle ça du storytelling.
Le storytelling des fondateurs présente deux risques.
Le premier est celui de la survie de l’entreprise après la mort de son créateur. Limité pour Asics, Onitsuka ayant pris soin s’inscrire les valeurs auxquelles il croyait dans la marque elle-même : Anima Sana In Corpore Sano (« un esprit sain dans un corps sain »).
Plus compliqué dans le cas d’un Apple, qui semble peiner à innover après la mort de Steve Jobs, d’autant que son successeur Tim Cook ne jouit pas d’un charisme extraordinaire : l’entreprise ne profite plus vraiment du génie créatif de son fondateur.
Second risque : celui de le personnalité réelle dudit fondateur, risque d’autant plus grave que ce dernier se révélera fantasque et que les médias – classiques et sociaux confondus – se feront un malin plaisir à appuyer là où ça fait mal.
Premier exemple emblématique : Facebook via Mark Zuckerberg. Longtemps le réseau social s’est adapté à l’image d’un CEO limite caractériel, notamment façonnée par David Fincher dans le film The Social Network : finalement, quoi de mieux qu’un adolescent “attardé” et “instable” pour incarner le nouveau modèle de l’entrepreneur à l’heure de la disruption généralisée ?
Reste qu’aujourd’hui Facebook est devenu un géant et face à la polémique et à la nécessité de répondre à des instances institutionnelles (le Sénat), la marque ne peut se suffire d’une personnalité polarisante – d’où la métamorphose spectaculaire de Zuckerberg qui a plutôt offert, lors de ses multiples auditions après le scandale Cambridge Analytica, l’image d’un jeune homme policé et respectueux – quel changement !.
Pourtant : 20% de chute en bourse au cœur de l’été !
Second exemple : Tesla – le T de NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) !
Tesla, c’est Elon Musk, non seulement fondateur de l’entreprise automobile mais aussi de SpaceX, et également initiateur de multiples projets comme Hyperloop ou The Boring Company, après avoir fait fortune grâce à Paypal, vendu en 2002 à eBay : un success story connue et admirée de tous les geeks et autres startupers.
Sauf que ces derniers mois, le fantasque entrepreneur semble ne plus rien maîtriser : il affole le petit monde de la finance en annonçant vouloir retirer Tesla de la bourse avant de s’épancher sur son état « d’épuisement » … et l’action de plonger de près de 9% dans la foulée ! Il en perdra son poste et devra payer une lourde amende.
Prémonitoire d’avoir choisi le patronyme du pionnier du courant alternatif pour marque … surtout que les batteries génèrent du continu ! Car si aujourd’hui ses travaux sont mondialement reconnus, Nikola Tesla est mort « seul, sans un sou et couvert de dettes, laissant derrière lui plus de 300 brevets et la réputation de savant génial, visionnaire et à moitié fou » comme nous le rappelle Wikipédia.
Ces exemples nous enseignent que lorsque l’image d’une marque colle de trop près à la personnalité de son fondateur, son storytelling risque rapidement d’échapper au marketing et à la communication … pour le plus grand plaisir des rigoleurs sur les médias sociaux … et le plus grand déplaisir de ses investisseurs !