Adwise : Dominique, tu es anthropologue et sociologue, et tu t’intéresses aux pratiques culturelles et aux innovations dans nos Sociétés occidentales. Tu utilises le terme de “milieu innovant”, emprunté à la géographie et aux territoires. Quels sont pour toi les milieux les innovants historiquement ?
DD : il y a 3 grands milieux innovants historiquement : d’abord l’industrie aux XIXè et XXè s. avec les innovations liées à l’énergie, notamment. Par exemple, la création de la variation tarifaire selon les heures creuses et pleines est un avant-goût du yield management appliqué aujourd’hui dans les secteurs des services : les compagnies aériennes, ferroviaires.
Et puis, il y a la grande distribution. On le voit aujourd’hui avec le Drive, la captation des parcours clients d’internet au magasin physique par exemple.
Et enfin l’agriculture, qui n’a cessé d’innover pour produire plus, s’adaptera aux goûts des consommateurs, améliorer les machines, les engrais – ce qui provoque un vrai questionnement aujourd’hui.
Adwise : et aujourd’hui, où se situe l’innovation ?
DD : dans les services, que ce soit en tant que secteur ou en complément d’une offre. En particulier grâce aux nouvelles technologies. Les services permettent l’hyperpersonnalisation, l’instantanéité, l’autonomie mais aussi le contrôle qui sont des attentes émergentes.
Adwise : Comment vois-tu cette innovation ?
Elle suit une courbe de progression que l’on a bien observée ; d’abord l’innovation résout le problème de la rareté. Immédiatement, ce qui était rare devient accessible, facilement. Je pense aux taxis par exemple ; Uber résout le problème de la rareté ou la perception de la rareté. Mais les applications mobiles d’aujourd’hui, qui donnent accès à toutes sortes d’informations ou de bonnes affaires, fonctionnent sur le même bénéfice. Deuxièmement, l’innovation apporte en général une rupture sur le coût. Le bien, le service devient plus accessible financièrement aussi. Là encore Uber innove, mais Ikéa aussi, Brico Dépôt, Transavia, Easyjet dans leur domaine. Cette rupture sur les coûts dans l’innovation n’est pas nouvelle. Déjà la création du Bon Marché en 1850, qui était un low-cost avant l’heure, a tué le petit commerce -les magasins de nouveautés- des alentours. Enfin, et c’est aussi très important, l’innovation fait baisser « la charge mentale ». En rendant un usage plus facile, plus serein, on apporte une réelle innovation. C’est pourquoi lorsqu’on réfléchit aux innovations de demain, il faut garder à l’esprit ces 3 trépieds.