Sciences cognitives et neurosciences sont aujourd’hui très tendances dans le petit monde du marketing et dans celui des études de marché : mais que doit-on en attendre réellement ?
Certains se proposent de répliquer dans notre domaine, des expériences réalisées dans les laboratoires universitaires : ainsi, on peut à l’aide d’IRM voir quelles zones du cerveau s’animent lorsque que l’on associe certaines valeurs à certaines marques ; outre le fait qu’il faille passer la frontière pour mettre en place de telles protocoles (la législation belge étant plus souple que la française), il convient de mettre dans la balance les bénéfices réels de telles approches face aux risques encourus : le marketing est déjà suffisamment accusé comme ça de manipuler les foules !
Mieux vaut utiliser les connaissances nouvelles apportées par ces disciplines pour améliorer nos outils, affiner nos approches.
Damasio, dans L’erreur de Descartes, souligne que raison et émotion se logent au sein des mêmes plis de notre cerveau : tenter de se couper de ses émotions pour augmenter la rationalité de son jugement ne peut aboutir qu’à l’inverse du résultat escompté.
Dans le champ de la communication publicitaire, il n’y a pas lieu de gommer l’affectif des annonces techniques en B2B, ou inversement de bannir toute référence technique de spots très subjectifs.
Dans celui des études marketing, on comprend combien il convient de conjuguer habilement affectif et rationnel, quel que soit le sujet abordé, pour ne pas prendre le risque de ne parler qu’à un consommateur rendu artificiellement incapable d’exprimer ce qu’il pense réellement. A fortiori dans les études créatives, la capacité des participants à « mentaliser » (cf. Pierre Marty) c-a-d à avoir la capacité à réfléchir de façon ouverte et fluide, non dogmatique et en restant connecté à ses ressentis, est clé.
Les sciences cognitives nous apprennent également qu’au sein de notre cerveau cohabitent des mémoires verbalisables et d’autres qui ne le sont pas – et que celles-ci ne se situent pas au même emplacement, bien évidemment.
Une expérience intéressante a été effectué en observant grâce à un IRM les zones actives du cerveau quand des patients effectuaient certains geste de la vie quotidienne, comme renseigner le digicode de son immeuble. Quand on emménage, on doit apprendre son nouveau code : l’IRM montre que c’est la mémoire sémantique (celle des informations que l’on a apprises, comme ses tables de multiplications à l’école) qui travaille ; quelques mois plus tard, on tape sur les touches sans réfléchir … et c’est une autre partie du cerveau qui s’active : la mémoire procédurale (celle des automatismes que l’on met en œuvre, comme conduire une voiture ou se brosser les dents).
Les informations ont migré d’une partie de notre cortex à une autre : inutile de les chercher là où elles ne sont plus !
Inutile donc de demander aux consommateurs comment ils réalisent certaines actions qu’ils font pourtant tous les jours : mieux vaut les observer.
Notre mémoire sémantique n’est pas la seule verbalisable : notre mémoire épisodique, qui renferme les événements que nous avons vécus, l’est également ; toutefois elle ne se sollicitera certainement pas de la même manière que notre mémoire sémantique : pour y accéder, il faudra souvent fournir à notre interlocuteur un point de départ auquel se raccrocher, et à partir duquel tout rejaillira, un peu comme pour Proust et sa fameuse « petite madeleine ».
En matière d’études marketing, les sciences cognitives doivent donc se considérer comme une base de connaissances permettant d’enrichir, affiner la palette des approches traditionnelles : répliquer la recherche scientifique médicale n’apporte pas grand-chose, une fois les aspects show off mis de côté.