Interview de Sylvie Lasoen, CMI Director France & Spain @Unilever, sur les enjeux des études
Souvent se pose la question de l’opérationnalité des études marketing : comment transformer des insights en décisions business ?
Des résultats d’études, aussi pertinents soient-ils, n’ont aucune utilité s’ils ne se concrétisent pas en décisions business. D’où l’importance de mettre en œuvre dans la culture et l’organisation de l’entreprise, un process qui garantisse l’opérationnalité des insights consommateurs ou marché. Cela passe par plusieurs éléments :
1. L’indépendance de la fonction CMI (Consumer & Market Insight) et son rattachement au CEO / à la Direction de l’entreprise. 2. La mise en œuvre systématique (pour chaque projet CMI) d’un plan d’action précis et agréé par le partenaire Marketing / Customer Development. Ainsi l’amont et l’aval du projet sont des étapes critiques pour garantir l’impact business : le type de décision qui sera pris en fonction des résultats doit être clairement stipulé lors du brief (les études ‘nice to have’ n’ont pas lieu d’être en période de restriction budgétaire). Et lors du debrief, le plan d’action doit être développé et validé par les décisionnaires. Cela peut faire l’objet d’un workshop interactif pour les projets plus complexes ou impliquant une équipe multifonctionnelle. Dans tous les cas, le rôle du CMI ne s’arrête pas à la restitution des résultats mais continue au-delà, jusqu’à la mise en œuvre des actions découlant de l’étude.
Au final le juge de paix sera la capacité (prouvée / quantifiée) à générer de la croissance pour les marques.
Dans un contexte de marchés plats, voire en décroissance, en quoi les études permettent-elles d’identifier des relais de croissance ?
En s’émancipant des données trop macro et des moyennes qui cachent souvent une réalité bien plus complexe ! Certes la grande consommation est en décroissance Volume mais déjà se porte mieux en Valeur, ce qui témoigne d’une aspiration de nos consommateurs à « monter en gamme », sous certaines conditions. Qui plus est, on observe de fortes disparités d’évolution par segments / sous-segments. Dans ce contexte le challenge du CMI sera de « dé-moyenniser » (De-Average en Anglais) afin d’identifier quelles sont les poches de croissance. Ce travail de fourmi passe par une compréhension très fine des (micro) marchés, des circuits de distribution, des consommateurs, des tendances de fond ou émergentes qui impactent les comportements. Ainsi la « ménagère de moins de 50 ans », cible privilégiée des plans d’action Marketing à l’ère (révolue) du Mass Market, n’existe plus. En revanche, il importe de scruter les besoins et aspirations des sous-groupes identifiés comme stratégiques et vecteurs de croissance pour l’entreprise. Selon le secteur il peut s’agir des Millenials, de la génération ‘Silver’, des mono-foyers, des populations ‘ethniques’ etc.
Les points de contact consommateur/produit sont aujourd’hui de plus en plus fragmentés : comme les études peuvent-elles aider à renforcer l’engagement des clients avec les marques et mettre en œuvre des stratégies Peer-to-Peer ?
A l’ère du digital les marques ne sont plus en position d’asséner leur message au consommateur via un media dominant. Aussi les points de contact sont plus fragmentés, et les frontières deviennent de plus en plus poreuses entre ce qui relève de la publicité et de la vente. La légitimité des marques se construit maintenant par une communication moins intrusive et plus authentique, « d’égal à égal ». Dans ce contexte, le rôle des études est de mettre à plat l’écosystème dans lequel les marques évoluent, de comprendre les parcours de nos consommateurs (offline et online) afin d’être présent sur les bons « touch points », avec le bon contenu. Le Social listening, l’identification des « Influencers » sur la toile, la co-création (de contenu mais aussi de nouvelles idées) avec des consommateurs partenaires, l’hyper-segmentation / personnalisation via l’analyse des données multi-sources (Social data, CRM etc) … Ce sont là les nouveaux outils dont il faut tirer parti pour renforcer la proximité avec nos consommateurs et mettre l’humain au cœur de nos stratégies marketing 2.0.