Le touriste européen qui voyage au Sri Lanka ou au Bangladesh découvrira avec étonnement téléviseurs, lave-linge et autres réfrigérateurs à la marque Singer : pour lui, Singer, ce sont des machines à coudre, et seulement des machines à coudre ; une marque ancienne, certes robuste, mais que personne n’attend dans le High Tech !
Singer Sri Lanka revendique ses racines : « The Singer saga begins with its founder Isaac Merrit Singer and his revolutionary invention – the Sewing Machine » ; mais la compagnie est depuis passée sous contrôle hongkongais et commercialise désormais toutes sortes de produits, de l’incontournable machine à coudre aux téléviseurs LCD en passant par les matelas et autres sèche-cheveux.
L’homme de marketing considèrera la saga avec intérêt : comment une même marque peut vivre en parallèle deux histoires différentes tout en revendiquant une même origine et des mêmes valeurs ?
Certaines marques vivent plusieurs histoires au cours de leur existence, nous nous y sommes habitués – mais rarement en parallèle comme pour Singer : le plus souvent, il s’agit de marques qui ont connu leur heure de gloire et depuis sont tombées en déshérence, comme Talbot, mise en sommeil en 1960 après son rachat par Simca, puis réveillée par PSA en 1979 … pour la laisser mourir à nouveau quelques années plus tard.
Dans la majorité des cas, le propriétaire de la marque ne l’exploite plus directement : il en accorde la licence, soit à un distributeur, soit à une startup qui n’a pas les moyens financiers de lancer sa propre marque et bénéficie ainsi de valeurs qu’elle n’aurait jamais pu se payer.
Ainsi trouve-t-on aujourd’hui en France des téléviseurs, des téléphones, du petit électroménager, de la domotique, des ordinateurs et des tablettes, … Thomson, même si le propriétaire de la marque, Technicolor, ne construit, ni ne commercialise aucun ces produits.
Pour le consommateur, il y a une certaine tromperie : nombreux croient encore acheter des téléviseurs fabriqués par une entreprise nationale alors que c’est le chinois TCL qui les conçoit !
Mais une marque s’inscrit au bilan des sociétés et les droits de licence peuvent rapporter gros. Chez Adwise, nous avons été co-rédacteurs avec Ernst & Young de la norme ISO sur l’évaluation des marques.
Gare aux produits défectueux !, et c’est toute la réputation des téléviseurs et téléphones qui en pâtit ipso facto.
Il y a encore quelques années, les dégâts liés à un produit défectueux pouvaient aisément se circonscrire, les consommateurs ne pouvant guère se plaindre qu’en magasin ou auprès de leurs amis ; puis une bonne campagne publicitaire permettait de rectifier ses erreurs.
Aujourd’hui, les industriels découvrent qu’un client mécontent – voire même qu’un seul fan mécontent comme le prouve la dernière affaire de sexisme de Clarks – a plein d’amis sur les réseaux sociaux, qui eux-mêmes, en ont plein d’autres : les déboires de l’un font rapidement tache d’huile ! Le licencié est à tout instant à la merci d’une bêtise commise … par des gens qu’il ne connaît pas et sur lesquels, il n’a aucune prise.
A l’heure des médias sociaux, certaines marques apparaissent comme des navires sans gouvernail -qui espèrent sans cesse que la tempête ne frappera pas … pas sûr qu’il suffise de croiser les doigts pour arriver sains et saufs à bon port.