Hervé Kabla, Président de Be Angels, grand spécialiste des médias sociaux et auteur de Le digital expliqué à mon boss et Le Social Selling expliqué à mon boss, nous parle de la marque à l’ère digitale.
Adwise : Chaque fois qu’un nouveau média social commence à s’imposer, toutes les marques s’y précipitent par crainte de se voir distancer par leurs concurrentes : est-ce cela, la nouvelle stratégie digitale ?
Hervé Kabla : Non, ce n’est plus vraiment le cas. D’abord, il y a peu de nouveaux médias sociaux qui réussissent à s’imposer. L’univers des médias sociaux est entré dans sa « phase froide ». Facebook progresse lentement, Twitter stagne, tout comme Instagram. Snapchat progresse encore mais son business model n’est pas vraiment convaincant.
Du coup, les marques ont moins tendance à se précipiter vers les nouvelles plateformes, et la phase chaude et expérimentale qui prévalait il y a quelques années a logiquement disparu. Les marques sont devenues plus matures. Certes, tout le monde n’est pas au même niveau de maturité, mais ce n’est pus la gabegie de moyens qu’on constatait auparavant ; la course aux fans n’est plus d’actualité…
Adwise : Un des buzz words les plus couramment employés est celui d’engagement ; par contre, plus personne n’évoque vraiment les notions de d’image, de valeurs, voire de plateforme de marque…
Hervé Kabla : Oui, on parle beaucoup d’engagement, parce que… les marketers ont besoin de mesurer quelque chose – un de mes clients me rappelait à juste titre qu’on ne peut constater de progression que par la mesure – et que les anciennes « vanity metrics » (nombre de fans, nombre de like) n’ont pas de sens en tant que tel, dans un univers où la portée des publications s’est effondrée à moins de 5%.
Sur les médias sociaux, les contenus de marque entrent en compétition non seulement entre eux, mais aussi avec les actualités du moment ou nos contenus perso (la bière du cousin, la vidéo de la tempête Irma, le vélo du petit neveu). Pour être vu, il faut briller, et la mesure de l’engagement est un des moyens de mesurer l’éclat d’une publication.
Les notions d’image, de valeurs ou de plateformes restent prégnantes, mais il faut avouer que leur efficacité est plus difficile à mesurer. La nature humaine étant à la recherche du moindre effort, ceci explique cela …
Adwise : Le digital, et plus particulièrement les réseaux sociaux, c’est le monde de la vitesse, de l’immédiat : compatible avec une stratégie de marque réfléchie, axée vers le long terme ?
Hervé Kabla : C’est délicat de dire que digital = monde de la vitesse. Le digital permet à l’individu d’accéder à des traitements autrement plus rapides qu’auparavant, c’est une réalité. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut tout faire avec empressement et sans organisation. Il y a un temps pour tout. Un temps qui exige vitesse et rapidité d’exécution (ex : répondre à un client qui a un problème à résoudre de manière urgente) et un temps qui exige réflexion et long terme (ex : penser sa stratégie, développer sa marque, construire sa réputation).
En quelque sorte, c’est un peu comme l’apparition du TGV : cela permet de rejoindre Lyon en 2 heures, mais cela ne veut pas dire que toutes les lignes ont vocation à devenir des lignes à grande vitesse, tant d’un point de vue économique que purement matériel.
Adwise : Je ne te demanderai pas quelle serait la meilleure stratégie digitale : on ne saurait la réduire à une « recette » ; par contre, quel devrait être pour toi, le point de départ d’une bonne stratégie digitale ?
Hervé Kabla : Le point de départ du digital, c’est le client. Comprendre en quoi le digital modifie l’interaction avec le client: sur quelle(s) plateforme(s), avec quelle(s) modalité(s), selon quelle(s) temporalité(s), en évaluant avec soin les risques et les avantages que le digital peut procurer, moins du point de vue de l’entreprise ou de la marque, d’ailleurs, que de celui du client.
Rien ne sert d’améliorer sa marge unitaire si les clients se mettent à fuir… Bref, il n’y a pas de réponse universelle, et les fausses bonnes idées sont monnaie courante. Mais comme dans tout ce qui est digital, rien ne vaut la prise de risque assumée : on essaie, on regarde si ça marche, et si ça ne marche pas, on fait machine arrière à moindre coût.