Georges Lewi, que nous avons déjà eu le plaisir d’interviewer ici-même comme mythologue, nous parle aujourd’hui d’expérience consommateur.
Adwise : Lors du dernier Printemps des études, tu évoquais le concept de « brand design thinking » : on te connaissait expert en branding, mais qu’entends-tu par « brand design thinking » ?
Georges Lewi : Il s’agit de l’utilisation du « design thinking » au service du positionnement des marques. Les marketers n’ont que les mots d’UX, d’expérience clients en bouche. Mais dès qu’il s’agit du positionnement des marques, de leur storytelling, de ce qui fait la valeur de la marque, il n’y a plus personne !
Comme si l’expérience client touchait les autres mais ne les concernait pas. Comme s’ils voulaient garder jalousement leurs prérogatives de faiseurs de discours sans en référer jamais au consommateur.
Le « brand design thinking » est la confrontation d’un positionnement et d’une tension narrative travaillée et validée avec le consommateur et pas seulement entre experts (des gens comme moi, des agences de publicité …).
Et pas seulement en pré ou post-tests publicitaires, exercice frustrant et infructueux, car les jeux sont déjà faits.
Adwise : Dans une récente chronique dans Les Échos, tu évoquais « L’expérience du consommateur s’exprime d’abord en évitement de ce qu’il n’aime pas » : quelle conséquence en tires-tu pour les marques ?
Georges Lewi : L’être humain par pudeur ou par indécision ne sait pas dire ce qu’il veut, mais il sait très bien ce qu’il ne veut pas ou ne veut plus. Le discours des marques dont le rôle est de « remplir » un vide est d’exprimer le combat qu’elles mènent pour leur client ou leur consommateur.
Le combat de Coca-Cola est de lutter contre une vie trop dure, sans plaisir (« Enjoy »), celui de son concurrent Red Bull est de lutter contre l’apathie d’une vie sans risque. Le consommateur va faire son choix. Il sera d’un côté ou de l’autre.
La politique nous montre bien avec les exemples Trump, le récent vote Italien que les gens choisissent une lutte contre ce qui leur paraît « un fléau » et non plus un ensemble de bénéfices attendus. On peut le regretter mais c’est ainsi ! La complexité recule au profit de la simplification du storytelling des séries télé où les personnages sont des archétypes au combat desquels on va s’identifier ou s’opposer. Les marques pour redevenir des « love brands » vont devoir faire l’apprentissage de la passion et de la haine.
Adwise : Un nouveau livre dans les starting blocks ?
Georges Lewi : Oui, Génération Z, mode d’emploi, le 29 mai en librairies, écrit avec mes étudiants nés après 1995. Une bien curieuse génération qui ressemble assez à celle de 68 dont on évoque les 50 ans, le temps nécessaire pour remettre « les compteurs à zéro ».